jeudi 21 décembre 2006

Auvergne Connection

Cette nouvelle entrée sera dédiée à la chronique de deux albums venant de paraître... Mettons les choses au point tout de suite : elles ne seront peut-être pas des plus aisées à trouver, mais ces deux galettes valent non seulement d'être écoutées, mais aussi et surtout d'être achetées ! Bref, selon la formule consacrée qui clôturait nombre de missives à la glorieuse époque du tape trading... support the real underground ! Prenez la peine de découvrir H.O.P.E et Morphoss.

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H.O.P.E : REASON & DIVINE
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H.O.P.E n'est autre que la concrétisation sonore d'un projet de longue haleine, celui du sieur Alkariis, baroudeur de l'extrême UG français depuis les mid-90's. Entre autres campagnes victorieuses auxquelles il participa, mentionnons seulement la croisade menée sous la bannière (impériale) d'Ancestral, horde black/death qui gagna ses lettres de noblesse aux côtés du proto-CNK et à coups de prestigieux supports (Forest of Souls, Loudblast, Septic Flesh, Your Shapeless Beauty, Avatar, Edge of Sanity sont ceux qui me reviennent à l'esprit). Longuement mûri, Reason & Divine (en référence à l'éternel conflit cartésien) est le premier album de cette entité que l'on aurait tôt fait de réduire à un one-man band, tant Alkariis a su s'entourer des bonnes personnes pour mener à bien ce projet ! Je pense en particulier au paisible ménestrel Guillaume qui a prêté son précieux concours guitaristique à cette œuvre.

Sous influences digérées et non pas régurgitées, Reason & Divine propose un blackened-metal symphonique de haute volée, audacieux et maîtrisé. Certes, les maîtres-à-penser d'Alkariis se rappellent ici et là à notre bon souvenir : on entend parfois l'Empereur hurler sa triste colère sous l'Espérance (My Own Interior Way, qui cache sa noirceur sous sa charpente metallico-synthétique), on distingue ailleurs la silhouette spectrale d'un Yearning, d'un Ulver ou d'un Arcturus au détour d'une mélodie de claviers inspirée (An Ordinary Morning), mais ces différentes balises permettent à l'auditeur d'entrevoir cette lignée de rois immortels desquels H.O.P.E descend. J'utilisais plus haut le terme audacieux et ne le retirerai pas ; l'usage fréquent de vocaux typés Muse ou même Radiohead risque de refroidir les plus étroits d'esprit (dont moi-même, bien évidemment !). Pour autant, ces passages venant contrebalancer les vokills mortuaires d'Athevros (impressionnante prestation, confere Le Château Noir) sont brillamment exécutés, jamais intrusifs, toujours à-propos : ils sont l'une des grandes forces de Reason & Divine. Le dionysiaque et l'apollinien, toujours... On mentionnera aussi quelques dérapages contrôlés dans une electro-coldwave de fort bon aloi : tendez l'oreille et vous distinguerez des traces résiduelles de Covenant ou Haujobb, notamment dans Absinthe...

Bref, le premier effort de H.O.P.E est un grand disque de metal, puissant mais sensible ; noir mais jamais résolument dépressif, rappelant parfois dans l'esprit les travaux récents et « poppisants » (eh oui !) de Samael. Au diable les étiquettes : bien que le squelette de l'affaire demeure fortement ancré dans l'extrême, c'est l'amour de la musique qui parle ici ! Bravo à Alkariis d'avoir eu cette opiniâtreté et d'avoir su mener ce projet à son terme. Certes, les qualités de l'œuvre seront aussi ses défauts pour certains (mieux vaut avoir l'esprit sacrément ouvert pour digérer tout ce qui compose Reason & Divine), mais indéniablement, cette première sortie de Back Stage Records mérite toute votre attention. A l'écoute de H.O.P.E, excellemment interprété et produit (OCYS Studio + mix chez les Crack Ov Dawn), une phrase de Dylan me vient à l'esprit : « Casser les règles ? Je ne casse pas les règles, car il n'y a pas de règles ».

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MORPHOSS : MARCHES FOR THE CONDEMNED
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Brutal thrash, anyone ? J'espère en tout cas que ce programme vous siéra, car il n'y a rien d'autre au menu de ce Marches For The Condemned. Et c'est tant mieux ! Condamné à thrasher, ainsi que sa précédente réalisation le proclamait, Morphoss aime le death, le thrash, et entre les deux son cœur balance tellement... qu'il a décidé de ne pas choisir ! Ce papillon funèbre bourrine à tout-va, tatane comme c'est pas permis, mais avec style, précision et bon goût. Quoique je vais peut-être retirer cette dernière appréciation, n'ayant pas encore parcouru les paroles certainement primesautières de Bestiality...

Très influencée par Slayer à qui elle pique les sempiternels gimmicks (dissonances harmoniques, soli plus torturés qu'une sorcière sous l'Inquisition), la bande ne s'est visiblement pas remise non plus de la scène scandinave de la première moitié des 90's à qui elle emprunte sans vergogne rythmiques ultra-catchy mais aussi, à l'occasion, son côté graveyard voire nécro. Écoutez donc Assassinate qui lorgne sur le Entombed des débuts, ou encore les premières mesures du sus-cité Bestiality qui ruent dans les brancards comme un bon vieux Unleashed de derrière les fagots (à moins que ce ne soit l'inverse, car une erreur semble avoir été commise sur le tracklisting) ! Cependant et à mon humble avis, Morphoss n'est jamais meilleur que lorsqu'il se fait plus heavy et mid-tempo : carnages assurés sur March of the Condemned ou The Trial. Que dire d'autre ? Difficile de chroniquer de façon intéressante un genre archi-balisé ou l'on s'efforce d'être le moins original possible, car là n'est pas le propos et Morphoss, résolument oldschool, ne souhaite surtout pas révolutionner les choses ! Précisons seulement que la prod, puissante et « pleine », souffre peut-être d'un mixage un peu trop proéminent de la voix.

Outre une section rythmique un peu plus jeune que le reste de la bande, aux oreilles que l'on imagine plus volontiers formées avec Slipknot ou Soulfly qu'avec Hellhammer ou Bathory, Morphoss compte aussi dans ses rangs deux guitaristes vétérans du thrash made in 6-3, dont l'affable Gun's « c'est çààààhhh », sodomite de volatiles le jour et adorateur de Kerry King la nuit. Le tableau (de chasse) ne serait pas complet sans le bien bel organe de Fabrice, ex-imprécateur d'Ancestral aussi à l'aise dans les growls d'outre-tombe que dans les vokills venimeux. Pour connaître la machine de guerre en concert, je peux vous assurer que l'implacable rage dégagée par les lascars en live a été capturée sans être matée avec bonheur ! Bref, avec ce genre de forçats les moutons électriques sont bien gardés et le thrash/death demeure ce qu'il doit être : un torrent sonore cataclysmique, comparable à un Styx seulement contenu dans son lit par la compréhension du genre et sa parfaite maîtrise instrumentale. Le verdict de la Cour ne saurait attendre plus longtemps : coupables, et fiers de l'être !

As a Frenchman I support national metal, especially when said metal is of the better kind. Please take a few moments to roam H.O.P.E’s and Morphoss’ Myspaces. Wanna know why ? Well, here we go. H.O.P.E is a one-man-band led by Mr. Alkariis, of the late gallic Ancestral fame, Reason & Divine being for now its first release. Well, to say “one-man-band” is not totally accurate, as able musicians are backing and fleshing Alkariis’ ideas. So what you get here is blackened symphonic extreme metal, taking as much from Muse as from Samael. Scratching your head, uh ? Well, you just gotta click on the Myspace link below ! Ok, after the Dionysian, avant-guardesque darkness displayed by H.O.P.E, let’s be überbrütal with Morphoss. Don’t need to bother ye faithful reader with many superlatives, what you should know about Morphoss can be summarized like this : "brutal and expletive fuckin' thrash". ‘Cause Marches of the Condemned will crush your head without mercy, and you won’t even have the time to say “Slayer”, “Entombed” or “Unleashed” before givin’ up the ghost. Thrashin’ death metal or deathin’ thrash metal, who gives a flyin’ fuck – Morphoss will feast on your miserable soul ! So be a man and check it out, or else Sharon Osbourne will slip into your sweaty couch on some moonless night (and I would be there, making a sextape of this).

H.O.P.E - Reason And Divine (Backstage Productions, 2006)

01 My Own Interior Way
02 Le Château Noir
03 An Ordinary Morning
04 My Second Self
05 Absinthe
06 Racine Mortelle
07 A Light Despair
08 HOPE

Morphoss - Marches For The Condemned (autoproduction, 2006)

01 The Trial
02 Condemned To Thrash
03 Opposition
04 Bestiality
05 Assassinate
06 March Of The Condemned
07 Dark Obscenity
08 The Sentence


Le Myspace de H.O.P.E.
La chronique d'Obsküre, et celle de VS Webzine.


Le site et le Myspace de Morphoss.
La chronique d'Obsküre, et celle des Accros du Metal.

vendredi 8 décembre 2006

Stream of (social) Consciousness

Hormis sur ses deux premiers albums, consacrés aux sempiternels démons censés venir nous botter le cul pendant notre sommeil (toujours pas arrivés), Kreator a toujours pris soin de fignoler des textes coup-de-poing, au fil anarcho-gauchiste aussi tranchant que les riffs les portant. Enemy of God, dernière livraison en date, ne fait pas exception à la règle malgré un titre qui induirait en erreur quiconque n'y regarderait à deux fois. Mille Petrozza, toujours aussi révolté, continue d'inscrire son groupe dans le gros thrash social qui tâche, laissant bouchers éventreurs et autres démons cacochymes à ses compatriotes Destruction et Sodom. Ne parlons pas du nectar houblonneux, sujet d'inspiration infinie creusé avec bonheur - pour certains - et exclusivité par les poètes éthyliques de Tankard (au secours). Alors certes, d'aucuns diront que ça ne va pas pisser bien loin, et que ce n'est pas l'étude géopolitico-sociale la plus pertinente qu'il nous ait été donné de lire. Et c'est vrai ! Mais enfin, le but n'a jamais été d'écrire une thèse et cela reste de la musique, du thrash d'excellent niveau et hypermoderne pour un groupe de cet âge - notons même une coloration Gothenburg qui vient teinter la fin de l'album de sonorités rougeoyantes d'habitude plus scandinaves que germaniques.

Kreator n'a jamais prétendu faire d'essais politiques mais préfère, avec peut-être un peu plus de talent que de succès depuis la fracture Renewal, donner dans le pamphlet contestataire et descriptif. Enemy of God est donc un état des lieux, un constat d'urgence dressé par un Mille Petrozza consterné de se voir, chaque soir à vingt heures devant son poste, imposer une telle dose d'impossible brutalité. Sans rivaliser avec la force parolière d'albums tels que Cause For Conflict (eux-mêmes), ...And Justice For All (Metallica) ou encore Beneath the Remains (Sepultura), Enemy of God est cependant un grand disque que nous offrent ces punks allemands déguisés en thrasheurs, une sorte de BO idéale à cette ultraviolence incontrôlable et ascendante, alimentée pernicieusement par un inexorable système de vases communicants : les idéologies fondatrices s'effritant, ne reste désormais plus que la sauvagerie humaine toujours plus dénuée de règles. Fussent-elles critiquables elles-aussi. Une thèse assénée sur douze terribles morceaux !

Putting aside its first two releases, Kreator was always about politics and social awareness (and kick-ass thrash metal). Enemy of God is no exception and, despite its title suggesting some kind of church-burning black metal content, is another fist in the face of god (errr, of society, sorry) ! Sure it ain’t a postgraduate thesis but hey, we don’t need no more brains to understand it’s total social shit all over and everywhere right fuckin’ now. Got it ? I have to say that Cause For Conflict is maybe my favourite Kreator album as far as these topics are concerned – this release is criminally underrated : to say it is a major body of work is an understatement. However Enemy of God is a strong CD, almost punkish under its guise of barbaric thrash metal, and denouncing whatever there’s to denounce right here, right now. Man, I really do feel like a fuckin’ progressive proletarian writing these lines.

Enemy of God (SPV, 2005)

01 Enemy Of God
02 Impossible Brutality
03 Sucide Terrorist
04 World Anarchy
05 Dystopia
06 Voices Of The Dead
07 Murder Fantasies
08 When Death Takes It's Dominion
09 One Evil Comes - A Million Follow
10 Dying Race Apocalypse
11 Under A Total Blackened Sky
12 The Ancient Plague

Le site et le Myspace de Kreator.

...et toujours :
Heureusement qu'on se faisait ch**r dans les centres de jeunesse allemands !