lundi 5 février 2007

Un Indien dans la vigne

Chuck Billy, c'est un peu un pote. On a beau ne jamais l'avoir rencontré, on a beau savoir pertinemment qu'on ne le croisera certainement pas plus, c'est un mec qu'on a toujours eu à la bonne. Bref, Chuck, c'est un peu un pote. D'ailleurs, pas besoin de le connaître vraiment pour savoir que Chuck est un chic type : sa réputation affable, son extrême courtoisie en interview et sa bonhommie légendaire précèdent le géant où qu'il aille. Non content d'être sympa comme c'est pas permis, Chuck continue de ravir les aficionados de Testament depuis précisément vingt ans, un âge canonique dont nos amis américains se fichent comme d'une guigne : leur thrash est toujours vert. Plus proche du gentil Yakari que du sinistre Joe l'Indien de Mark Twain, Chuck s'est rapproché de ses origines au cours de ces dernières années, une sorte de recentrage ethnique... Selon lui, l'héritage ancestral de son peuple l'a énormément aidé dans le combat qu'il a mené contre une saloperie de crabe. « Attention », précise notre pote, « tout ça ne doit pas faire oublier que l'essentiel des soins qui m'ont sauvé étaient des soins hospitaliers ! » Histoire de ne pas se faire mal comprendre par quelque illuminé qui penserait que fumer le calumet de la paix en mode Sitting Bull pouvait remplacer la chimio (1)... 

Sacré Chuck ! On imagine d'ici sa grande carcasse secouée de rires caverneux si on lui foutait sous le nez ces photos écornées d'il y a vingt ans, montrant une bande de jeunes thrashers prêts à défoncer la planète metal sous des coups de boutoir nommés The Legacy, The New Order ou Practice What You Preach : « Ah ah, mon pote, tout ce qu'on a défoncé, c'est nos foies ! »... C'est vrai, mais l'homme est humble. Si Testament n'a pas fait partie, car arrivé après, du carré d'as du thrash US (ne pas oublier qu'il y a une histoire de génération dans ce Big Four), il en a toujours été l'un des meilleurs soutiers et n'a jamais commis un véritable mauvais album - tout au plus quelques virages opportunistes. La part de chance nécessaire au mega succès, et si c'était ça qui avait manqué ? A peine lui fait-on remarquer à quel point ses vocaux ont changés, passant d'une voix de tête hurlée typique de la Bay Area à un growl death particulièrement impressionnant et pas truqué (2), que notre gentil colosse s'esclaffe à nouveau : « ben ouais mon pote, faut vivre avec son temps... Certains ont crié à l'opportunisme, mais moi je n'ai fait que m'amuser... Mais réécoute attentivement notre catalogue, tu verras qu'en 1990 on semait déjà pas mal d'indices ! Puis regarde mon vieux frère, là, Eric Peterson : il fait du black metal à côté de Testament (3) et tous les p'tits norvégiens font la queue pour une photo avec lui... Pas mal pour des vieux cherokees de quarante berges, non ? »

Alors on se marre, pour pas que Chuck aie l'air con en se bidonnant tout seul, et on se dit qu'effectivement si à l'époque on avait entendu correctement le respectable Souls of Black, on n'aurait pas posé cette question stupide sur l'évolution extrémiste du groupe... Puis on se dit aussi que merde, allez quoi, je vais pas faire chier Chuck Billy avec mes questions de fan à la con, je vais juste lui payer une autre bière, là, comme ça, entre potes... Et le prochain Testament, quoi qu'il arrive, ben je l'achète sans lire aucune chro, tiens. Parce qu'un sacré Monsieur chante dessus. Un peu indien, un peu californien, mais sacrément humain.

nota bene : depuis sa maladie Chuck ne picole plus, mais j'étais trop content de mon titre pour en trouver un autre. Eh ouais.

(1) pour lever des fonds permettant à Chuck Billy de se soigner - vive le système de sécurité sociale américain, et dire que certains se plaignent de vivre en France - une seconde édition du festival Thrash of the Titans eut lieu avec une affiche ahurissante pour les connaisseurs. Au courant de l'état de santé également catastrophique de Chuck Schuldiner, Chuck Billy reversa spontanément la moitié des bénéfices à la famille Schuldiner...


(2) à partir du puissant Low (1994), Chuck Billy modifie considérablement sa voix en passant allègrement du chant thrash classique à des vocaux purement death metal, amenant le groupe à durcir le ton sur les albums à venir - entre autre à s'accorder beaucoup plus bas. Cependant des signes annonçant cette tendance étaient perceptibles depuis quelques années, cf le terrible refrain de Falling Fast sur l'autrement très vintage Souls of Black...


(3) Dragonlord, groupe rassemblant quelques ex-stars du thrash californien et donnant dans un black metal symphonique d'obédience européenne bien que conservant un groove trahissant ses origines. A mon sens un ovni, pas forcément génial car trop générique mais absolument intriguant de par sa genèse et son line up...


Man, god or whoever the fuck you want knows I’m not homosexual in the slightest way. But I can’t help it, I love Chuck Billy. ‘Cause Chuck is my mate and having never met him has nothin’ to do with it. The man is a seigneur graced by a never-tarnished reputation. Fuck, he got rid of fuckin’ cancer and managed to keep a behemoth-like voice which makes oaks tremble when I’m blasting out Testament in my garden ! Sure these lads ain’t in their prime no more but who gives a flyin’ shit – Testament still kicks major ass, and mine, too. You know the shocking truth ? Ok, here I go : it’s a planetary-sized disgrace Testament isn’t part of the Big Four instead of pathetic Anthrax (never liked ‘em). Fuck, there’s nothing as embarrassing as that except, maybe, having declared Paris an open city in 1940. Man, I really mean it. So let’s forget about Testament and go back to Chuck Billy : easy and soft-spoken, with a little je-ne-sais-quoi reminiscent of Tom Araya, that part-Native American is a metal giant, and also, unbeknownst to him, my pal.

Le site de Testament.

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