samedi 3 mars 2007

Musique enténébrée

J'ai pris le temps, après l'avoir évité à sa sortie de peur de me retrouver confronté à un « foutage de gueule », de me familiariser un peu avec MoRT, dernier opus obscur, abscons et « abîmé » de Blut Aus Nord. Peut-être même l'ai-je digéré, et encore. Voici donc une chronique plus « ressentie » que musicale et technique... Avant toute chose, et ce dès le visuel, l'album revendique sa laideur. Cependant je ne dirais pas que l'on a du mal à aller à son terme, car MoRT parvient à accrocher l'auditeur malgré tout. Pourquoi ? Comment ? Difficile à déterminer sans évoquer les sensations. Si l'écoute est assez pénible pour pouvoir devenir dérangeante - pour peu que l'on accorde à MoRT les conditions qu'il requiert -, elle ne le devient néanmoins jamais assez pour m'avoir fait ressentir le besoin de l'interrompre. Bien au contraire. Outre son côté poisseux et oppressant, ce qui est véritablement effrayant dans MoRT, c'est cette imitation de vie grotesque qu'il s'applique à contrefaire pendant sa quarantaine de minutes, dans une démarche toute baconesque.

Volontairement, excessivement dissonant, MoRT est un magma dilué à l'extrême (juste assez pour demeurer dans le champ de l'expression artistique tel que nous l'entendons) qui enveloppe une espèce de masse musicale que l'on sent palpiter loin, très loin en dessous malgré tout. Difficile de décrire cette musique, puisqu'il s'agit bien de cela malgré cette orientation bruitiste et illustrative... Ce que j'aime énormément dans cet album, et qui fait sa particularité et sa réussite, c'est donc un horrible côté charnel et organique ; la présence permanente d'une monstrueuse ossature black metal résiduelle et complètement dystrophiée, qui essaie tant bien que mal d'émerger de ce maelström bouillonnant. Ce lointain squelette, témoignant des racines de Blut Aus Nord, n'y arrive cependant jamais - Blut Aus Nord l'en empêche continuellement en le contraignant avec sadisme et intelligence. Mais on le sent, ce cœur black metal qui pulse, qui hurle de profundis, mis à mal par une gangue musicale qui le torture en lui imprimant contraptions et distorsions... Sous le bruit, le monstre supplicié.


MoRT n'est donc pas si « déshumanisé » que cela, loin s'en faut... et c'est bien là que réside l'aspect flippant de l'affaire : quelque chose vit au milieu de ces ténèbres sonores, transcrites par des guitares spectrales tant elles sont dépouillées d'attaque (emploi de guitares fretless, techniques de jeu peu conventionnelles certainement utilisés). Mais c'est quelque chose qui a été humain, et qui ne l'est certainement plus au terme du processus d'anéantissement systématique... Les multiples pistes vocales, hallucinées et plus souvent devinées qu'entendues, sont écrasées par ces percussions tribales qui résonnent comme les marteaux de la folie. Sur ce point précis, Blut Aus Nord a fait très fort en dotant ces dernières d'un écho industriel cauchemardesque, qui les font sonner comme des enclumes qu'on frapperait depuis les sous-sols d'une antique arcologie oubliée du monde. Une déstructuration totale au service d'une désolation non moins absolue.


Je ne sais pas si j'aime MoRT mais il m'a intrigué et intéressé, c'est certain. La pochette le résume à merveille : cet amas de chairs corrompues, adossé à un mur crasseux sans âge, suggère une humanité qui fut, indéniablement, mais qui n'est désormais plus que très difficilement reconnaissable. La parfaite métaphore visuelle de l'évolution de la musique de Blut Aus Nord, en somme... L'exercice n'était pas gagné car dans ce genre d'entreprise, sans talent, on fonce directement dans un mur constellé de clichés ridicules... mais je ne crois pas que ce soit le cas ici. Bref, peut-être pas l'expérience interdite - personne ne l'avait promise - mais foncièrement intéressant, à tout le moins. Pas besoin non plus d'être maso pour écouter MoRT et pour profiter de ses pics de terreur paroxystique qu'ont déjà généré des œuvres comme Silent Hill 2 ou Jacob's Ladder, il suffira simplement d'être curieux... à l'instar de cet album.


Even though their work was of importance in France (and elsewhere), and their name a trademark synonym of obdurate, hardened-in-bleakness black metal, I was never familiar with Blut Aus Nord’s music. How come did I buy MoRT ? Fuck, I don’t have a clue, I just know it’s spinning right now in my stereo and everything in my place is currently painted in black. Do not expect easy-listening black metal here ! Better ready your ears and brains for some baconesque, grotesque soundtrack expelled, yes, from a black metal vagina - but its mature shape is of no other kind. This is bruitist and tortured, this is the sound of falling and failing flesh, a nightmarish maelstrom living a life of its own – hear it crying, screaming and dying… Art is not made to look good, nor to be pleasant or comfortable and you better remember this when listening to that monster of a record ! Besides these dripping, degulining guitar tracks, industrial yet primal percussions are to be heard, along with some ghostly voices here and there – I swear you would sell, in vain, your sinful mother to have a gasp of fresh air. So is it a valid record, is it humanly possible to take it and, well, “appreciate” it ? I personally will not listen to it again for a long fuckin’ time… However I only know one thing : art has no boundaries (yup, like evil) and shall bow to no rule as long as it carries a message, and such is the case here. What message am I talkin’ about ? Well, Mr. Smartass, it’s up to you to find out. And don’t forget your fuckin’ flashlight in this hellhole.

MoRT (Candlelight, 2006)

01 Chapter I
02 Chapter II
03 Chapter III
04 Chapter IV
05 Chapter V
06 Chapter VI
07 Chapter VII
08 Chapter VIII

Le Myspace de Blut Aus Nord.

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