mardi 19 juin 2007

Un bon petit diable

J'ai toujours aimé les seconds couteaux du metal, et Annihilator est le second coutal par excellence : le projet solo de Jeff Waters n'a jamais accédé au statut supérieur malgré sa qualité constante (à part une vraie baisse de forme entre 1996 et 1999), et il est clairement trop tard pour renverser la vapeur... C'est injuste mais c'est comme ça : alors qu'un Enemies of Reality aura permis à Nevermore d'exploser son carcan pour monter au premier plan, cas d'école de l'album providentiel pour booster une carrière, le nom d'Annihilator n'a jamais été assez vendeur pour les grosses couvertures médiatiques. Pas de masques, pas de maquillage, quelques polémiques ridicules agitées par de tristes ronds-de-cuir qui n'ont jamais compris que ce groupe n'en était pas un... Bref, malgré son très gros succès d'estime (demandez donc à Mustaine ce qu'il pense de cet album), Alice In Hell demeure un essai qui ne sera jamais transformé sur le terrain commercial. Ainsi va la vie, et Annihilator / Jeff Waters semble s'accommoder parfaitement de tout ceci. En témoigne sa position sur l'actuelle tournée de Trivium : ça fait mal au cœur, pour ne pas dire au culte, de voir ce génie ouvrir pour un groupe trendy qui n'a jamais apporté, n'apporte pas et n'apportera rien de significatif au metal. Bon, ok, exposition plus importante, découverte pour le jeune public, bla-bla-bla, je sais tout ça... Revenons au sujet : en 2001, il s'est passé trois choses importantes dans le monde. Une tour est tombée. Une autre tour l'a suivie. Et un peu plus au nord, Annihilator a sorti en catimini Carnival Diablos.

Ce huitième album occupe une place à part dans la disco de Jeff Waters : c'est un peu l'album de la résurrection, son Razor's Edge, son Painkiller ou son Get A Grip, après une traversée du désert peu inspirée et marquée par trois albums réalisés en apnée. À un moment où toute la scène se focalisait sur ses extrêmes, un combo thrash sans prétention et au potentiel vendeur déjà épuisé n'avait aucun espoir d'attirer (à nouveau) l'attention. A fortiori dans un paysage musical atteint de jeunisme forcené, où l'on se foutait comme d'une guigne de l'énième album d'un trentenaire canadien. Et pourtant... Waters, fraîchement épaulé par l'un des guitaristes d'Overkill (ici au micro), a fait le bon choix avec Joe Comeau : sous les dehors bonhommes du rondouillard new-yorkais se cachait un frontman et un hurleur de premier plan... Heavy-thrash hyper puissant, caractérisé comme toujours par l'extrême « crunchitude » des guitares (j'appelle ça le syndrome Flemming Rassmussen : chaque coup de médiator étouffé descend directement à la cave), Carnival Diablos est l'un de ces albums bons du début à la fin. Même au moment de Liquid Oval, qui commence pourtant comme une de ces pénibles ballades heavy metal dont les amerloques ont le secret, mais qui a le bon goût de ne rester qu'un correct instrumental. Quant au reste, carton plein, KO assuré, hold-up sur l'auditeur matraqué par la rifferie stylée, puissante et sans pitié de Jeff... Une bombe. Les anglo-saxons ont un mot intraduisible, pour ce genre de truc : powerhouse. À noter, cet hommage non déguisé à AC/DC où Joe « Bon Scott » Comeau et Jeff « Angus » Waters cassent la baraque au point que Shallow Grave, malgré sa relative jeunesse, s'est hissé instantanément au rang de classique. À souligner également, le plaisir que l'on prend à goûter, derrière une brutalité de façade mais non feinte (BatteredHunter Killer...), l'extrême mélodicité d'Annia. Comme toujours, quoi.

Et de fait, si les deux mamelles de la France selon Sully étaient « labourage et pâturage », celles auxquelles le petit Jeffrey a été sevré sont Maiden et Priest. Le trooper d'Annihilator pourrait aisément s'appeler Epic Of War, tandis que l'excessivement pesant et réussi Time Bomb convoque expressément l'esprit du Prêtre, tendance Metal Gods ou A Touch of Evil. Pour conclure ce petit hommage à un album indispensable à tout amateur ne connaissant pas encore Annihilator, voire ne connaissant que les derniers avec Padden (qui peut braquer par ses tonalités hardcore), je serai bref : Carnival Diablos est une putain de tuerie. Qui crucifie sur place une bonne partie de la jeune garde, si douée soit-elle (des fois). Trivium en sait quelque chose, car si les américains sont excellents sur scène, il semble qu'Annihilator leur fasse la leçon au moins un soir sur deux - en sonnant, au passage, beaucoup plus moderne. Qu'on se le dise !

Despite its blistering first two technical thrash metal attacks (namely Alice In Hell and Never, Neverland), Annihilator has been an underdog for the last two decades. And that’s a fuckin’ shame, an utter disgrace. I just can’t believe Jeff Waters and his capable commando are currently opening (fuck me) for fuckin’ Trivium. Ok, now I’d like you to buy 10 copies of Carnival Diablos, and here’s why you’ll gladly do it after reading Master Me. To begin with, Carnival Diablos is Annihilator’s own Painkiller : a sonic resurrection of an unexpected quality after years under the radar, meaning a vicious heavy-thrash metal attack of unrelenting, melodic violence. Secondly, Carnival Diablos is sung – or screamed – by Joe Fuckin’ Comeau, of the mighty Overkill fame. Joe will pierce your eardrum to crush your very worthless soul (and maybe he will eat you up after that). And in the third place, Carnival Diablos’ artwork is over the top – perfectly matching its overpowering content. What a fuckin’ powerhouse of an album… Still wondering why 10 copies ? Man, after having read that, you know you'll never get enough of Carnival Diablos.

Carnival Diablos (SPV, 2001)

01 Denied
02 The Perfect Virus
03 Battered
04 Carnival Diablos
05 Shallow Grave
06 Time Bomb
07 The Rush
08 Insomniac
09 Liquid Oval
10 Epic Of War
11 Hunter Killer

Le site (Waters est un membre très actif du forum et l'on est sûr d'obtenir une réponse, voire un vrai dialogue de sa part, autant dire que ça change et que ça fait plaisir) et le Myspace d'Annihilator.

...et toujours :
Ne lâche pas ta poupée, Alice !

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