mardi 10 juin 2008

Hail the Hordes !

Cela fait déjà quatre ans, plus quelques jours, que Quorthon (ici avec Slayer) fut retrouvé mort dans son appartement de Stockholm, même pas quadra mais victime d'un cœur déjà défaillant. Loin de moi l'envie de convoquer une atmosphère endeuillée, mais je dois reconnaître que ça m'a fait quelque chose, comme on dit : ce trois juin 2004 m'a enlevé notamment la perspective, à jamais perdue, de voir un artiste continuer une œuvre qui me parlait naturellement (et peut-être la rehausser après quelques albums, ce n'est pas irrespectueux que de le dire, moins convaincants). Ce que je peux dire, c'est que Quorthon a démontré que l'on pouvait créer à partir de rien : un paradoxal nihilisme inversé qui caractérise également le punk - frère immédiat et évident du black metal. Une guitare, un ampli et trois accords pour une carrière à la fois musicale (Bathory et Quorthon), cosmétique (la définition d'une nouvelle esthétique du chaos musical aux côtés de quelques autres) et séminale (elle fera naître tant de vocations). Quorthon, c'est une vie dédiée à un art, peut-être mineur pour certains, mais majeur pour ceux qui le comprenne et l'aime. Et sans art... l'existence n'est rien.

Rendre hommage à quelqu'un peut s'avérer une tâche ardue, et c'est pourquoi je choisis lâchement de laisser la plume à Fernando Ribeiro de Moonspell. Par l'artifice d'un texte publié sur son blog en avril 2007, soit trois ans après la mort de Quorthon, Ribeiro a en effet su à merveille traduire, par les souvenirs qu'il invoque, l'effervescence de ces années adolescentes où le metal extrême représentait tout (ou presque) pour certains d'entre-nous ! Extraits plus ou moins librement traduits... :

« Les dernières heures du septième jour de juin finissent de s'écouler - ou ce sont déjà les premières du huitième - lorsque ce satané portable émet ce son merdique annonçant la réception d'un message. Inexplicablement naît en moi un pressentiment, la sensation que quelque chose cloche. Le SMS est bref : « Quorthon est mort ». L'expéditeur est une surprise : c'est Duarte, un ami et compagnon de longue date, que la vie s'est chargée d'éloigner mais pas d'effacer. Je le rappelle immédiatement et nous parlons de ce décès et d'autres choses encore, cependant que mon esprit commence un voyage dans le temps de quinze ans.

Les premières heures de cette même nuit, quinze ans plus tôt, finissent de s'écouler. Retentit alors la vieille sonnerie d'un téléphone qui était alors encore actuel. A l'autre bout du fil, Pedro Catarino, premier guitariste de Morbid God (qui a toujours été infoutu de se trouver un pseudo sérieux). Son ton hystérique contraste avec mon incrédulité : la rumeur de ces derniers jours a été confirmée noir sur blanc : sessions d'autographes, dates, lieux et horaires, confirmés par un encart dans Blitz ! Quorthon, donc Bathory, se rend au Portugal pour la promotion du prochain album, Hammerheart. Enthousiasmés, nous plongeons pour de bon dans l'"underground", moi et mes copains : Ares, qui s'appelait encore João Pedro, Nuno Saias, et Toureiro, qui n'avait pas encore acheté la batterie de Baalberith. Nous allons rencontrer notre idole, dont l'annonce de chaque album nous fait passer des mois d'attente impatiente, et pour qui nous sautons la cantine, préférant écouter des cassettes en grillant des clopes. Nous savons que nous n'oublierons jamais ce jour - et il allait changer nos vies à tout jamais.

Six heures du matin du jour dit, toujours quinze ans plus tôt. Je n'ai pas réussi à dormir, et je me dépêche de filer au rendez-vous, engoncé dans un t-shirt Sodom. J'aperçois Jó (Theriomorphic) à l'arrêt de bus, là où se tient aujourd'hui le plus grand centre commercial d'Europe. Nous sommes arrivés très tôt, et toute la bande, endormie et rêveuse, emprunte bus, métro et bateau jusqu'aux rues mythiques d'Almada. Il y a foule au Tubitek (le disquaire qui accueille l'évènement, ndSheol), et l'on aperçoit une haute stature blonde qui se dessine en haut de la rue, à côté de Boss, son père. Mon cœur bat la chamade, nous le hélons répétitivement dans un mauvais anglais. Non loin de lui, le charismatique Miguel Fonseca de Thormentor, que nous admirons. Quorthon est parti manger en sa compagnie, et nous les suivons tandis que certains d'entre-nous repartent chercher les albums que nous avons oublié de prendre pour la session de dédicaces. Et de se cacher derrière nos hot-dogs en buvant timidement quelques bières, heureux et fiers comme Artaban ! Nous arrivons tous en même temps à la session : Zé de Decayed est là, Belathauzer avec son t-shirt des Dead Kennedys, ainsi qu'un connard avec un t-shirt des JO de Barcelone. L'unique exemplaire promotionnel portugais de Hammerheart est à notre portée, et nous échangeons nos impressions et discutons jusqu'à l'heure fatidique du retour chez nous.

J'ai croisé bien des gens que je n'aurais jamais cru rencontrer, et j'ai parlé avec bien des gens avec qui jamais je n'aurais pensé discuter un jour. Je n'ai vu Quorthon qu'à cette occasion. Nous ne nous sommes jamais croisés à nouveau, je n'en ai pas eu l'opportunité. Mais j'ai vécu ce jour de la même façon que je le vivrais aujourd'hui, et ce que nous pensions tous à l'époque est encore valable aujourd'hui, comme une lumière qui ne s'éteindrait pas. Je me suis connecté sur ma boîte mail et j'ai reçu un message d'Ares, auquel j'ai répondu. Nous n'avions plus communiqué depuis peut-être sept ans. J'ai téléphoné à Duarte. J'étais encore il y a deux semaines attablé tranquillement avec Belathauzer à la FNAC. Nous sommes toujours ceux qui pensaient que « nous n'oublierons jamais ce jour », car il a changé nos vies à jamais . Et c'est ce jour-là, d'il y a quinze ans, que nous avons célébré et dont nous nous souviendrons - bien plus que celui de sa mort ».

nota bene 1 : une vidéo tournée au caméscope ce jour-là existe, les connaisseurs y reconnaîtront quelques pointures de la scène lusitanienne - parmi lesquelles Fernando Ribeiro, déjà le même nez, mais pas encore la même coupe.

nota bene 2 : en prime, le chouette 
hommage rendu à Quorthon par Abbath & Associés sur l'indispensable album Between Two Worlds (vous savez, le meilleur Immortal depuis At the Heart of Winter).

Already four years have passed since Quorthon’s death – boy, the man wasn’t even 40. I was genuinely saddened by this unexpected news – the departure of an artist in its own right. His music still speaks to me today, and will for my remaining time. Fernando Ribeiro of the Moonspell fame wrote down some time ago a truly moving tribute about Bathory and the man behind it – above it is, roughly translated from Portuguese by your humble servant. In French, bien sûr.

Le Myspace de Bathory.

...et toujours :

Album ou le repos du guerrier 
Le grand pardon