samedi 27 décembre 2014

Metallica au feu (de bois)

Photographie par Gary Wolstenholme

Jamais été fan de cette cohorte disparate, haute en couleurs et gigue-dansante regroupée sous les étiquettes sous-dimensionnées de « folk metal » ou « pagan metal » : trop de groupes, trop de foutoir, trop d'instruments, trop de meufs (nan je déconne. Vraiment.) et souvent trop de facilités. Le véritable esprit folk n'est-il pas à chercher du côté des naturalistes Agalloch ou Winterfylleth plutôt qu'auprès des enfileurs de perles habituellement évoqués sous cette bannière ? Moonsorrow cependant a toujours représenté à mes yeux un sceau de qualité, jouissant d'un statut à part conféré par leur ADN éminemment black metal ; du tremolo seconde vague plein les guitares et pas dans la voix notamment ; et exhibant une attitude tranchant volontairement avec le côté « fête au village » souvent dévorant dans le style.

La maîtrise de ces hommes-bêtes au patronyme baudelairien s'entend notamment dans la réécriture aux accents de reconquista bathorienne infligée à For Whom The Bell Tolls, morceau de bravoure de quasi huit minutes qui laisse, peut-être comme jamais depuis longtemps, s'exprimer la bête sauvage désormais matée tapie au cœur de Metallica. La dilution de l'introduction dans un océan atmosphérique d’ambiances et de guitare sèche, parsemée de hurlements déchirés et de chœurs discrets évoque immanquablement Quorthon (qui s'est servi plus qu'à son tour de certains éléments de Ride The Lightning), et lorsque que le chant fait irruption, des lignes comme Make his fight on the hill in the early day / constant chill deep inside ou Take a look to the sky just before you die / it's the last time you will trouvent une nouvelle signification, signe d'une réappropriation intelligente plutôt que d'une sage imitation. For Whom The Bell Tolls se trouve sur l'EP Tulimyrsky, recelant une autre superbe reprise qu'il faut entendre aussi.

Moonsorrow's very personal take on For Whom The Bell Tolls is indeed an interesting one, highlighting the long-lost fury of Metallica by transcending what was a martial-paced classic into a storming-yet-atmospheric pagan metal song. What really remains of the original song is its melancholic tone, perfectly fitting Moonsorrow as it once perfectly fitted the material displayed on Ride The Lightning.

...et toujours :
Voir Metallica et mourir

jeudi 20 novembre 2014

(still) Channeling the quintessence of quelque chose

Photo courtesy of Sheol

Channeling the quintessence of quelque chose, mais on ne sait plus exactement quoi... Ça fait si longtemps qu'on écoute du death metal, du black metal, et que l'on sait qu'Il n'existe que dans notre phantasmagorie - la vraie vie étant autrement plus hardcore que dans les paroles de Marduk ou Darkthrone. Merci Brel, merci Ferré, autres sidérurgistes  du réel ignorant le palm muting et le tremolo picking. Ça fait longtemps aussi qu'on fait la part des choses entre rébellion adolescente et soumission systémique, une place doit exister entre, on cherche notre air, on ne se rêve plus mais on espère toujours, on n'a que peu de temps, la vie est courte et la mort nous en guérira bien assez tôt. On a besoin d'acier pour mettre dans le roseau de notre squelette, d'argile pour combler les trous de notre estomac. Notre cerveau spongieux prendrait bien un peu de phosphore, mais du collagène ferait aussi bien illusion. Mais. Mais. Mais... Morbid Angel, à qui l'on pardonnera son satanisme original nourri aux sources américaines libéralo-LaVeyenne, demeure dans notre vie et sa puissance évocatrice aussi. Je ne renierai en aucun cas ce que j'écrivais ici, ou ce que je lisais ailleurs ; la musique de ces américains reste cette symphonie tellurique se nourrissant des racines de la Terre pour taquiner les Grands Anciens terrés dans ce coin, là, de notre esprit.

Dans une petite ville de Province Française j'ai vu le petit cirque de David et Trey, et toute la porcelaine de mon âme a été réduite à néant en l'espace de deux petites heures. J'ai de nouveau dix-sept ans, la vie devant moi, le temps est courbé par un trou de ver nommé Death Metal Supreme. Iron Maiden me déniaise, Metallica me terrasse mais Morbid Angel est un choc extrême ; Emperor viendra ensuite mais la bande à David et Trey et Pete et Mike et Richard et Steve et Eric reste un sigillé d'éternité et de puissance, un élixir de jouvence granitique, de montagnes hallucinées et de torrents indomptables. Encore et toujours, hier comme demain, loin du siècle dernier emprisonnant ces dix-sept ans dans une capsule lycéenne aux couleurs passées, j'écoute Morbid Angel les matins gris et les jours sombres. Un baume au cœur pour se rappeler que les secured limitations sont une vue de l'esprit et que, tout sac de chair et d'os que je sois, ma volonté existe. La nuit ? Que non, c'est bien la lumière qui point à l'horizon de cet art ancré au cœur de la montagne Death Metal, mais qui pourtant la surplombe. Morbid Angel, plus que bien d'autres Grands Anciens pour certains titans endormis (Nocturnus...), reste au firmament de mon panthéon non plus par la violence de sa musique, mais bien par la résonance qu'il créa jadis en moi et qui, en cette soirée de novembre, fait un écho assourdissant dans le silence de ma vie. Channeling the quintessence of quelque chose.

To be Limoged in Chaos, that's what happened to me some time ago, witnessing the extraordinary full display of Covenant by Morbid Fuckin' Angel. David Vincent and mastermind Trey Azagthoth are now flanked by drummer Tim Yeung and guitarist Destructhor (of Myrkskog and Zyklon fame), two beasts in their own rights (watching Destructhor bent over his guitar almost to breakpoint, windmilling as it to fly like some lovecraftian madman is a sight to be seen !). From Rapture to God Of Emptiness everything went according to the grimmest plan, meaning a full-blast attack of ripping, mineral, esoteric death metal. Following the interpretation of Covenant, the band tore through some classic shit such as you-name-it, including some gems from the mighty Tucker / Rutan era. Absolutely sick while retaining the occult, obsidian magick deeply engrained in Morbid Angel's ravenous heart.

Le site de Morbid Angel.

...et toujours :
L'ère Tucker, chat tue
Morbid Angel : un bon coup de pied occulte

dimanche 16 novembre 2014

Antilife

Difficile de ne pas voir, dans la mort du jeune Selim Lemouchi, une conclusion parallèle à celle choisie par Jon Nödtveidt... Car quoi qu’inspirant de très grands albums de metal plus ou moins extrême (Reinkaos...), liés dans les ténèbres par l'adoration morbide d'un bien mystérieux culte rappelant plus qu'à son tour les sectes millénaristes, ce « gnosticisme anticosmique »  est percutant dans sa définition et vertigineux dans sa vision. Le grand chaos ; tout en vient et tout y retourne ; ce qui voudrait exister par la chair (trivial véhicule de notre passage) entre ces alpha et omega n'a pas de raison d'être. Voilà en tout cas comment je perçois les fumeuses théories de ce qui n'est pas plus qu'une mystérieuse congrégation, essentiellement numérique, mais peut-être plus puissante que l'on pense. Une vision dérangeante car dérangée de la vie. Arckanum, Disiplin, Dissection, Watain pour les plus connus sont le « sonic commando » de cette obédience noire exerçant une évidente emprise intellectuelle sur ses musiciens-instruments.

Car la libération de la chair, c'est un arrachement définitif qui s'appelle la mort ; l'arrêt dysfonctionnel et terminal d'un système biologique bipède. Certain d'avoir achevé son grand-oeuvre via The Devil's Blood au point de clouer cette bouche de Satan par un communiqué laconique et définitif, envisageant sa mort comme point d'orgue de sa vie, Lemouchi aura eu une trajectoire d'étoile filante à la Jon Nödtveidt (même si celui-ci aura expérimenté la mort de diverses façons) bien regrettable au vu de l'excellence de sa musique. A tout le moins, le metal et plus largement le hard rock occulte - devant autant à Blue Öyster Cult et à Coven qu'à Mercyful Fate ou à Watain - a perdu un héraut de grande valeur ! Il est dommage que The Devil's Blood, une aventure fraternelle rarement vue dans le style, trouve sa fin artistique dans Tabula Rasa, compilation quasi post mortem au goût de fond de tiroir qui succède difficilement à The Time Of No Time Evermore et The Thousandfold Epicenter. A ré-écouter aussi, sa divine intervention sur Waters Of Ain des petits crassoux de Watain... Only Death Is Real, merde, c'était pour déconner ! Il semble qu'une frange de musiciens prennent actuellement l'assertion frostienne bien trop au premier degré.

What a pity... I'm talkin' about Selim Lemouchi's untimely passing here. The man chose to end all things after having completed a short but wondrous body of work through the mortal vehicle known as The Devil's Blood. A very, very gifted musician whose death can't be questioned but only mourned. Maybe some dark claws claimed his soul. Do not judge, lest be judged yourself. I will not know death until my time comes. Fuck it anyway, 'cause I'm half drunk, tryin' to type these lines on a fuckin' smartphone after several shots of Knockando graciously poured down my parched throat by a good friend of mine. This one is for you Selim, for this is the time of no time evermore.

lundi 2 juin 2014

Thrashers AOC

Pourquoi un slip français ? Parce que les groupes dont on va parler maintenant sont putain de burnés mec. Et putain de Français aussi ! Vive la maille normande.

Mais qu'est il arrivé à Loudblast ? Pas mauvais du tout, ce dernier-né Burial Ground, mais il est étonnamment dénué de l'esprit habituel ; cette patte de compositeurs (Buriez / Leclercq, puis Buriez) ; cette couleur que le groupe a toujours eu même sur ce produit industriel qu'était Disincarnate. J'ai torché une première écoute sur les petites enceintes minables de mon vieux PC (une machine désirante qui ne veut pas mourir, même si elle est à peine capable de faire tourner Metroid sur NES), et je me suis dit « tiens, Loudblast s'est mis au black metal ». Puis je me suis rappelé que sur lesdites enceintes, même The Wall sonne comme My Journey To The Stars. Du coup, hop ; j'ai pris le temps d'une écoute au casque plus respectueuse, celle-ci, du travail accompli. Eh bien il y a de tout, dans cet album : du death metal, oui, mais aussi du heavy et du thrash doomy. Comme la pochette l’annonçait d'ailleurs, avec son côté old school proto-black. Voir notamment Ascending Straight In Circles qui tape complètement dans un punk épico-bathorien (si. Ecoutez le morceau en entier au lieu de zapper, putain de génération Y) ! Burial Ground n'est, finalement, pas si black metal que ce qu'on a bien voulu en dire ici où là même si, j'imagine efficacement secondé par une jeune garde issue de la géhenne, Buriez a teinté de noir sa rifferie (The Path, clôture magnifique) qui conserve cependant cet accordage et ce son qu'on lui connait. Mais enfin, la patte glissée-torturée (mieux que le coupé-décalé) si caractéristique du groupe n'est pas vraiment là - c'est du reste, pour un vrai amateur de Loudblast (suivis depuis l'ultime mini-LP Cross The Threshold), une très curieuse sensation que d’écouter ce respectable et satisfaisant Burial Ground. Qui n'est donc pas le digne successeur de l'immense album précédent.

Massacra ! Sans jouer au puriste, il est presque difficile aujourd'hui de revendiquer son amour pour ces affreux dont l'heure de gloire, si elle a jamais sonné un jour, est passée depuis longtemps : à défaut de les avoir suivis de leur vivant, il peut sembler pédant de s'en être amouraché sur le tard (époque Sick Humanize Human me concernant). Un décès plus tard (Fred D.), et c'en fut fini de cette aventure qui ne prend un grand A que si on la juge à l'aune de ce que l'on appelle underground. Car au grand jamais Massacra n'a approché le succès insolent de Loudblast dont la presse avait réussi à faire des frères ennemis (le verbe est créateur...). Aujourd'hui par le biais de Century Media, utérus naturel de cette renaissance compte-tenu de la position de Jean-Marc T., ce sont les démos qui sont rééditées, avant, j'imagine, de ressortir l'artillerie lourde des albums (j'espère que les décriés mais honorables deux derniers y passeront - être en avance n'est pas toujours évident). La notoriété du groupe a toujours été entretenue avec une certaine mélancolie par ses aficionados voire plus (j'ai souvenir d'un message caché dans une pub pour Century Media), et c'est une bonne chose. Massacra était cette bête féroce à l'appétit d'ogre, entre chien et loup, qui décida de se repaître de l'Allemagne et de tenter sa chance à l'Est tandis que la France restait sourde à ses sirènes hurlantes. Il faut se (re)plonger dans ces démos furieuses, du speed-death haute-pression pas toujours en place mais dont, selon l'expression consacrée, « le charme naïf excuse les défauts de jeunesse ». La réédition Day Of The Massacra est de qualité, et vaut notamment pour l'interview du livret qui mentionne les oubliés Morsüre, brutes aujourd'hui préhistoriques dont la vélocité confinait presque à un avant-gardisme arty. Au bon souvenir de cette époque où un groupe se faisait les dents jusqu'à se trouver avant de passer à la phase album !

Just had to mention the recent Massacra reissues courtesy of Century Media. If old skull death thrashin' metal is what turns you on, you will dig Day Of The Massacra, a collection of demos once revered in the European underground. Also, I have a thought for Mr Fred D., a savage string master whose passing put the band on an eternal hiatus. Ok for the departed, on to the living : Loudblast have just released Burial Ground, a new album quite interesting and very well produced as usual. Not anywhere as good as Frozen Moments Between Life And Death (possibly the second best Loudblast output after Cross The Threshold), but nevertheless worth your money. Et voilà !

...et toujours :

samedi 3 mai 2014

The Will And The Way (le changement, c'est maintenant)

Excellent, excellent papier que cet article « Carving A Giant » paru dans le Terrorizer de février 2014 et dans lequel s'affirme impérialement, par la plume rapporteuse de Rob Sayce, Adam Darski. Comme l'a toujours fait cet artiste complet qui a même réussi à mettre de la superbe dans un show en carton (être juré dans l'édition polack de The Voice. Nom de dieu). A l'inverse des précédents Behemoth, litanies ravageuses dénuées de toute surprise, j'attendais The Satanist au tournant, extrêmement curieux de constater comment Darski aurait forcément transfiguré son art suite à cette maladie qui ne l'aura pas tué. Mais qui et comme toute expérience de cette importance, l'aura apparemment refondu comme humain et comme artiste, sans pourtant  rien atteindre de sa substantifique moelle (désolé d'être de mauvais goût, mais au delà d'être, quelque part, une assertion de pure vérité, c'était trop tentant). Darski brûle d'une force intérieure gigantesque et fait partie de ces créateurs qui ne façonnent pas que leur art, mais aussi leur propre pâte humaine en la conformant à une volonté d’airain guidée par une réelle Vision (« you cannot find harmony by castrating the dark part of your nature [...]. It made sense to come to terms with it »).

Pour la musique composant ce nouvel album, je ne la commenterai pas plus avant mais mes espérances ont été en partie exaucées. Je ne suis plus vraiment Behemoth depuis cette enfilade de blockbusters « nuclear-blastisés » bâtis sur les éternels mêmes éléments : prouesses de brutalité instrumentale, voix très en avant clouée sur le reste comme le christ sur la sainte-croix quitte à l'étouffer (le reste), et mélodies abusant de cette gamme orientale qui a fini par devenir un trademark éculé de Nergal (trademark ici absent). Très black metal dans l'esprit, presque watainisé par moment, The Satanist est une oeuvre écrite en lettres de sang comme d'autres l'ont été avant (De Mysteriis Dom Sathanas évidemment, dont on trouvera ici les échos des sinistres arpèges plus qu'à son tour). Un disque qui parvient à casser le moule évoqué précédemment en accomplissant l'alliage de l'éternelle dualité du metal extrême ; la brutalité et l'intellectualisme. Très comparable, ici, à l'inné et à l'acquis dont il faut parfois savoir se départir (« I used to overthink everything [...]. With creative process it's better to limit the intellectual elements so your inner voice can speak through your art »)L'interview est à lire dans Terrorizer #245, février 2014. Le titre de la notule est un hommage à Robh Ruppel, mais pas que.

The Satanist is a monster of a record. Less predictable, less self-indulgent, it even gets rid of these famous oriental-tinged melodies in favour of an ominous, very black metal feeling, unheard from Behemoth since... man, I don't even remember since when. Also, this seems to be part of kind of a personal redefinition for Nergal, but I won't dwell to much in here. Find a great, in-depth interview in its entirety in Terrorizer #245.

samedi 26 avril 2014

Contes morbides

Le black metal jugé par les vivants

L'Histoire (avec un grand H comme dans Hellhammer) se fait parfois plus black metal que le black metal et les amateurs d'anecdotes frappantes - les petites histoires faisant la grande - connaissent sûrement celle du Concile cadavérique. Pour des raisons fort éloignées de nos actuels grands problèmes politiques et sociaux, le pauvre pape Formose, déjà mort, sec comme Duff McKagan et rigide comme le cou de Tom Araya, fut exhumé pour répondre d'un crime de trahison. Les accusateurs (la noblesse italienne de la fin du neuvième siècle) lui attribuent un avocat charger de répondre à sa place (sans blague), et après avoir revêtu le cadavre putréfié d'atours pontificaux (« ça lui collait à la peau », oserai-je), décident de lui couper les doigts bénissants et de le jeter dans le Tibre plus habitué à charrier des courtisanes syphilitiques que des papes déterrés. Avant la baignade, ses habits nouvellement passés lui furent arrachés (des bouts de pape venaient avec)... et plouf, s'en fut fini du pauvre Formol - oups, Formose, qui disparut avec son cilice, sa dernière possession qu'on ne put lui ôter car trop enchâssée dans le cadavre. Dire qu'il avait toujours cru qu'il y avait quelque chose après la mort... c'était donc vrai !

Cet événement également connu sous le nom d'Horrible synode est l'un des plus lugubres qu'il me soit donné de connaître dès lors que l'on parle des histoires de l'Histoire, et à coup sûr il a dû être relaté à de nombreuses reprises sur diverses sorties black metal. Marduk, cependant et à mon sens, serait peut-être le meilleur candidat - Monsieur Håkansson étant un féru d'Histoire à prendre au sérieux - pour la raconter à nouveau (surtout depuis que le groupe, grâce à Monsieur Mortuus, s'est paré des atours les plus sinistres qu'il ait jamais connu).

Did you know about the Cadaver synod ? What a strange, utterly bleak story lurking in the darkest corners of History. I won't relate it in details here as a minimal search on the internet will tell everything you should know about this dismal case of a cadaver pope standing a post mortem trial. But come on... can things get more black metal than this ?

samedi 19 avril 2014

Nox nomenclatura

Triton satanique à ventre rouge fan de Morbid Angel découvrant qu'il ne vivra pas assez longtemps pour entendre l'album Z de son groupe fétiche

Je n’ai jamais vu le death metal autrement que comme une démonstration de force brute, mais qui ne doit pas être dépourvue de sens. Un manifeste de puissance (ou volonté de, pour faire écho au philosophe cité à tort et à travers par ceux qui n’ont pas lu icelui). Et si je n’ai jamais été fan de « street death metal » comme je l’appelle, celui qui ne sait parler que de zombies ou de démons, c’est bien à cause de la conception précise que j’en ai. Un cahier des charges, auquel un groupe doit répondre pour remporter l’appel d’offre.

Une dimension spirituelle ouvrant sur des tréfonds (obscurs ou lumineux, là n’est pas la question. Chacun voit minuit à sa porte) que d’autres n’explorent pas, tout occupés à raconter la même invasion de morts-vivants sur dix morceaux trop proches. Pas de méprise – je n’ai rien contre Cannibal Corpse, génial à sa façon et qui symbolise de belle manière ce death sans prise de tête (souvent virtuose instrumentalement). Mais j’attends autre chose du style : une connexion, une résonance – si les guitares de Morbid Angel sont accordées si bas, ce n’est pas seulement par extrémisme musical : c’est bien parce qu’elles s’adressent aux fondations. Morbid Angel n’est pas qu’un groupe qui a mangé du cureton sur ses quatre ou six premiers albums, c’est avant tout la traduction musicale d’un self improvement bien particulier – celui de son guitariste-compositeur et de ses bassistes-chanteurs (Steve Tucker - ne jamais oublier que ce mec, avec Erik Rutan, a sauvé Morbid Angel alors que tout était réuni pour l'enterrement en première classe). J’ai racheté assez récemment Altars of Madness, et décidément, hormis quelques autres grands noms comme Immolation, Brutality parfois, et quelques seconds couteaux pourtant premières lames (Akercocke… écouter, voir et lire), je n’ai jamais trouvé mieux dans ce genre précis et exigeant qui devient pour le coup, avec Morbid Angel en particulier, très, très proche de ce qu'Emperor a pu faire sur Anthems... 

Outre cette profondeur réfléchissante (si. vraiment), le death metal tel que j’aime l’entendre doit aussi participer de l'agenda esthétique de l’extrême : on ne pratique pas un tel style, avec une telle exigence, pour le simple plaisir de faire du bruit (c’est très exactement ce que ni vous ni moi n’arriverons jamais à faire comprendre au profane méprisant. J’ai arrêté deux choses : essayer de faire comprendre au profane méprisant, et essayer d’écouter la musique du profane méprisant. La vie est si simple). Non, cette cacophonie du bizarre relève forcément d’une autre quête, moins triviale – et là, chacun y mettra ce qu’il voudra, mais je suis convaincu qu’une esthétique du chaos existe ici comme ailleurs (peinture notamment), qu’elle est aussi tordue que séduisante, et qu’elle est spécifiquement recherchée, travaillée, étudiée par les groupes de death que j’ai en tête. Un point de convergence majeur, même pas musical mais que je qualifierai « d’intention », avec le black metal - ce cousin machin si loin, si proche. J’omets volontairement de cette notule toute la scène scandinave la plus évidente, dont j’aime particulièrement certains noms – mais elle ne procède pas de la même évolution, n’est pas née dans les mêmes éprouvettes, et possède dans ses chromosomes un ADN foncièrement infusé de rock n’ roll que l’on ne retrouve pas dans le death me(n)tal ici concerné. Cette fameuse nomenclature - une perspective en profondeur finalement - ne s’y retrouve pas.

What should death metal be all about... Everyone of us might offer a different take on such an issue. Well, mine is just mine, but here it is. I strongly believe that potent death metal should be as agressive as thoughtful, explaining why I never really fell for the mass-produced, gorish generic DM. Favorites of mine include first and foremost Morbid Angel, Immolation, Brutality, as well as newer things such as Gojira when it comes to killer tracks such as Backbone (the circle is complete, as we just came back to Morbid Angel with that one !). To make a long statement short, "my" death metal should provoke empowerment by internal monologue, dealing with the strenght (rage ?) to overcome oneself. You won't get that feeling when listening to stories about how to kill a zombie by shoving a broom up his arse into his brains. But listening to Summoning Redemption, or At One With Nothing, that's the way to start the day. That's the fuckin' way, man.

mercredi 9 avril 2014

Whatever That Hurts

Johan Edlund quittant Tiamat, ou encore Chat alors ! (auteur pas encore retrouvé, sera mentionné)

Assez incroyable annonce que ce communiqué publié ce jour par Johan Edlund. Dans son habituelle tonalité « après moi le déluge », le grand escogriffe désabusé (adepte d'un humour noir et auto-dévalorisant du strict même acabit que feu Pete Steele) annonce un double abandon. Celui de son enfant Tiamat, et celui de ses droits parentaux sur ledit enfant au profit de ses acolytes de longue date (Iwers, Sköld). Une énorme surprise à mon sens, car même si Edlund n'a jamais fait mystère de plutôt « bien vivre mal » de Tiamat, cette entité musicale née des cendres d'un groupe de proto-black metal très proche de Hellhammer ou Sarcófago (excellent Treblinka) lui doit absolument tout. Reste tout de même une probabilité de coup d'éclat promotionnel, voire de lubie passagère de la part d'un Edlund qui se dit fatigué (santé) et que l'on sait doté d'une drôle de personnalité - c'est un génie et il est ainsi fait.

Tiamat et plus particulièrement Wildhoney aura eu un immense impact artistique sur la scène metal des années quatre-vingt dix (et sur moi qui écoutait déjà ce groupe quand Edlund faisait trente kilos, avait des cheveux et portait un drôle de collier en os de poulet), poulain magique issu de cette écurie Century Media produite par Sorychta et dont je parle en filigrane depuis près de dix ans sur ce blog. Il faut réécouter Wildhoney (pochette à contre-courant de son style habituel signée Necrolord), qui prenait au nom de la liberté artistique tous les risques à une époque aventureuse mais toujours dominée par le black metal (encore) jeune et le death metal américain. Ce bijou ambré, à l'unique douce amertume, sera suivi d'un pur disque de studio, exigeant, mais que je lui préfère aujourd'hui ; A Deeper Kind Of Slumber, long voyage psychédélique mais glacé, ouaté, anesthésié. Merci d'écouter sans interruption Mount Marylin et A Deeper Kind Of Slumber... Difficile, très difficile d'imaginer la tronche voire même l'existence entière de certaines niches musicales sans des albums comme Wildhoney (bucolique. Solaire. Nocturne. Provocant. Sensuel), Mandylion (The Gathering), Ceremony Of Opposites (Samael) ou Wolfheart (Moonspell). Cette époque est révolue et ces géants tous encore vivants ne lui ont pourtant pas survécu (hormis Moonspell, drôle de phénix ayant toujours su s'adapter aux incessantes nouvelles règles du jeu). Les successeurs se nomment Aucun et Jamais.

Couldn't believe my eyes when I read Tiamat's Johan Edlund's statement on the band's facebook. Man, the big boy is leaving. Fuck me - he's just leaving ! Edlund seems tired, like he's had enough of everything Tiamat. At least, that's what I understand when reading his bitter and bemused words. Well, whatever. Tiamat will never top Wildhoney and A Deeper Kind Of Slumber. Yet, I hope this is just a bad joke, a late April Fools' Day prank played on us by good old Johan. Come on man, you're the best at what you're doing !

jeudi 3 avril 2014

Tiens, voilà du boudin (noir)

« Ma passion pour le heavy metal des années quatre-vingt, c'est la clef de voûte de Gift Of Gods (...). En tant que guitariste, composer et jouer de la guitare dans ce style, c'est juste énorme. Et si cher à mon cœur ». C'est rien de le lire (extrait du livret de l'EP qui nous intéresse), c'est rien de le dire, le mieux c'est de l'entendre. Mais qu'on le veuille ou non, le premier de nos sens, c'est la vue (demandez à Shiryû), et la première chose qui frappe chez Gift Of Gods, c'est cette magnifique pochette peinte (par un français, sacré nom de Dieu) dans la grande tradition du vrai, du bon heavy metal. Car le heavy metal, c'est comme les chasseurs, mieux vaut tomber sur du bon que du mauvais sous peine de passer un sale moment. Pour mémoire, et instant proustien, cette illustration m'a immédiatement rappelée celle ornant le premier volume du Sorcier Majdar, chouette série Dont Vous Étiez Le Héros. Oh, non pas que la ressemblance soit absolument frappante, c'est plus une question d'ambiance et d'atmosphère...

Receive ne fait pas que se contempler, il s'écoute aussi... Champions des plaisirs coupables dévoilés au fil des dernières et parfois étonnantes sorties de Darkthrone (sans parler d'un DVD nombriliste dans lequel Vieux Culto s'exhibe en pêchant au sens le plus alimentaire du terme), Fenriz et Nocturno Culto donnent régulièrement à voir d'autres facettes que l'ignoble face qu'on leur a longtemps connu - ce black metal monochromatique giclé en basse définition depuis A Blaze In The Northern Sky. Et qui culmina, à mon sens, sur Transilvanian Hunger... En l'occurence, Gift Of Gods est plutôt l'affaire du Vieux Culto, qui fait ronfler ici un véhicule musical sans prétention laissant parler (jaillir !) l'amour du heavy metal, cette musique qui transpire par tous leurs pores au point d'avoir littéralement colonisé l'esprit du dernier Darkthrone. Sans crier au génie, car réinventer la roue n'est pas le genre de la maison, Receive est un bel hommage à ce genre que je n'affectionne vraiment que dans sa forme pure et originelle (comme le boudin noir est l'épitomé de la charcuterie), sans les additifs actuels de merde genre cavalcades power metal dopées aux voix soit-disant extrêmes et enrubanné de pochettes ignoblement photoshoppées (putain de décennie 1995-2005). Ça tombe bien : Gift Of Gods n'a beau être que ça, du heavy metal primal et sincère, mais croyez moi, c'est déjà ça. A acheter en vinyle, et à écouter aux bougies un soir de pleine lune. Ça vous changera de Youporn.

"This project was first planned 6 years ago, but was at first to be very different from how it turned out to be. My interest in heavy metal music from the 80's is the corner stone for Gift Of Gods (...). Writing and playing guitars in the heavy metal style, is for me, as a guitarist just pure awesomeness, it sits so close to my heart. Gift Of Gods is my new cave to explore. Enjoy of not, it won't stop here (...)". (Nocturno Culto, Receive's liner notes).

Receive (Peaceville, 2013)

01 Enlightning Strikes
02 Receive
03 Looking For An Answer
04 Last Solstice

mardi 11 mars 2014

Augures : l'autre spécialité de Liège...

...et celle-ci, c'est pas dans l'assiette, mais dans la gueule. Mais avant l'impact, un peu d'histoire. Les augures, c'était ces prêtres influents de l'antiquité romaine que l'on consultait à tout propos et qui, finalement, faisaient la pluie et le beau temps par leurs messages parfois abscons mais tant écoutés que respectés. Acquérir un tel statut dans sa sphère musicale est bien tout le mal que je souhaite à cette teigneuse formation belge qui m'a plu tant dans l'agression que par sa dispense d'atmosphères neurosiennes faisant rimer planant avec dérangeant. Au point, parfois, de remonter un étrange chemin qui tire presque sur un black metal maladif et expérimental. Puis mince, la dernière fois que j'ai écouté un album (il s'agit ici d'un EP digital et... cassette !) du plat pays me ramènerait peut-être à ...Memoriam Draconis d'Avatar, c'est dire l'évènement !

Nul doute que beaucoup parleront ici de post-quelque chose (« ou comment qualifier le néant »). C'est du metal, moderne ! Et c'est déjà pas mal comme description. Disons simplement qu'Augures, au fil tragique de son Inauguration, honore quelques pères fondateurs comme Neurosis, Sepultura (osez me dire que l'on ne discerne pas, derrière la lisière désenchantée propre à cette scène headbanguant au rythme de sa désolation mi-punk metallisé, mi-downbeat doomy, l'ombre tutélaire de Chaos AD), voire même les immenses Earth dans ces instants désincarnés où la disto laisse entrevoir ce squelette cendreux et consumé des riffs propres à cette scène. Inutile de se faire long sur cette notule, car il est évident que beaucoup des références récentes d'Augures m'échappent (je suis un gars basique ; avec Maiden et Morbid Angel, je tiens vingt ans sans passer par Primal Fear ou Behemoth), mais si les noms évoqués et l'envie de découvrir un jeune groupe prometteur dans le sillon qu'il s'est choisi (et qu'il ne creusera, j'espère, pas qu'en profondeur) vous titillent, Augures est pour vous. A capter aussi en live - je n'ai vu que quelques vidéos sur le net mais le charisme à la Gojira - toute proportion gardée - qu'il s'en dégage finit de convaincre. Dernière chose ; ne pas avoir picolé avant de mater la jaquette, vous seriez tenter d'y chercher des Triforces planquées. Y'en a pas !

Well well well... I was never a huge fan of "post-whatever-the-fuck-you-want-metal", and Augures may easily be trapped into that corner of the world. It would be a shame, as Augures is a really hearfelt and talented band hailing from Liège, Belgium (yup man. Beers and chocolate and metal, who needs sex and drugs and rock n' roll ?). The boys sure can deliver the goods all the way down their Inauguration EP, packed with punishing red-as-death riffing and agressive, bleak vokills ranging from early american hardcore to painstaking european black metal rasp. So come on, jump in the fire.

Inauguration (Black Basset Records, 2013)

01 Grey Sky
02 Wondering
03 Sense Of Guilt
04 Earth's Last Letter
05 Fall
06 Eye Of The Storm

Le site et le Bandcamp d'Augures.